LA PLACE DE LA LSF
DANS UN COURS DE FRANÇAIS EN LANGUE DES SIGNES

par Brigitte EL KHOMSI

IRIS-Toulouse

Brigitte El Khomsi enseigne le français en classe bilingue depuis 1991, au collège puis au lycée. Elle est actuellement professeur de français au lycée des Arènes à Toulouse. Elle participe, à IRIS, à la recherche sur la pédagogie en langue des signes. Brigitte El Khomsi est entendante et bilingue.
Cette réflexion sur l'articulation entre le français et la LSF a servi de support à une intervention lors d'un séminaire sur l'enseignement spécialisé à Lausanne le 3 novembre 1999. Une version plus courte de ce texte a été présentée lors des journées de l'
ARILS le 20 novembre 1999 à l'université du Mirail de Toulouse.

 

 Les aspects théoriques et les contenus du cours de français ne seront pas abordés dans ce texte, car les programmes et les objectifs de l'enseignement du français dispensé en LSF aux jeunes sourds scolarisés au Lycée des Arènes sont les mêmes que ceux des élèves entendants (ceux de l'Éducation Nationale) et que seule la progression, au collège, peut être différente1 . Les épreuves du Brevet du Collège et du Baccalauréat sont les épreuves nationales (le seul aménagement concerne l'épreuve de dictée du Brevet).


I. L'organisation générale des séquences: trois exemples de types de séquences

Le travail en français s'organise en séquences qui s'étendent sur un peu plus d'une dizaine d'heures de cours. Avec mes élèves je dépasse la durée normale d'une séquence. Cette durée (de 12 à 14 heures) est en effet prévue pour des élèves entendants qui travaillent dans leur langue. Le fait d'avoir deux langues en cours et la nécessité de renforcer le travail écrit font que ce temps est allongé.

Le contenu des séquences suit les Instructions Officielles: il n'y a pas, contrairement à ce qui se fait traditionnellement dans l'enseignement dispensé aux sourds, de séparation entre l'écriture, la lecture et le travail sur la langue. Une activité de lecture s'accompagne donc toujours d'une réflexion sur la langue et débouche sur un travail d'écriture. Ce lien constant entre lecture et écriture se traduit dans le cours de français par un va-et-vient permanent entre le français lu, la LS (la partie dite "orale" du cours) et le français écrit.

Les trois exemples de séquences qui suivent montrent le type de travail réalisé, les points abordés et la forme que prend la participation des élèves. Le rôle central de la LS sera développé dans une deuxième partie.

Exemple 1: Séquence bâtie à partir de l'étude d'un texte

La présentation sous forme de schéma sépare artificiellement ce qui, en cours, est lié, c'est-à-dire la réflexion sur la forme et le sens d'un texte. Elle a seulement pour but de montrer tout ce qui peut être abordé au cours de l'étude d'un texte (le terme de "texte" pouvant désigner une oeuvre intégrale ou une image). Chaque point évoqué dans ce schéma n'est pas étudié de façon exhaustive. Il n'est pas non plus étudié dans l'ordre où il est présenté puisque tout le travail est lié.

Exemple 2: Séquence bâtie autour d'un groupement de textes

Exemple 3: Séquence construite à partir des connaissances des élèves

Je m'appuie ici sur les connaissances que peuvent avoir les élèves2 . Ce type de travail permet de les valoriser, et de les rassurer, en leur montrant qu'ils n'arrivent pas démunis en français , et surtout de réutiliser le travail fait en cours de LS.
Je présente ensuite des textes correspondant au type étudié puis nous analysons comment il est exprimé en français. Il n'y a pas d'explication théorique préalable mais une découverte progressive. Tout se construit donc en LS à partir des observations des élèves.
Ce type de travail est, à mon avis, le plus intéressant et le plus motivant pour les élèves qui sont sollicités en permanence et qui construisent activement leur savoir.

Nous allons voir maintenant - à travers des exemples concrets montrant comment s'articulent LS et français- comment la présence permanente de la LS facilite le passage de la lecture (compréhension et analyse des textes) à l'écriture (prise de notes et analyse rédigée).

II. LE RÔLE DE LA LANGUE DES SIGNES DANS UN COURS DE FRANÇAIS

La place de la LS dans un cours de français destiné à des élèves sourds répond à une évidence: dans la mesure où les textes font appel à des connaissances culturelles et où l'étude d'une langue s'accompagne de la manipulation de concepts, il est indispensable de favoriser l'échange entre élèves autour des textes avant de leur demander de travailler individuellement par écrit. La langue des signes se prêtant par nature aux échanges collectifs, donc aux débats (entre élèves et entre élèves et professeur), elle est la langue d'enseignement idéale pour des élèves sourds.

1. Le cadre général du cours de français

a. les textes abordés

Les textes étudiés sont ceux des programmes de lycée; du XVI° au XX° siècle, ils peuvent appartenir à n'importe quel genre littéraire.

Ce sont des textes difficiles dont la langue n'est pas toujours aisée à comprendre et qui requièrent parfois d'importantes références culturelles.Il semble donc difficile de demander aux élèves de travailler directement à l'écrit. Outre que cela serait rébarbatif pour des élèves qui ne portent pas toujours un regard très bienveillant sur le travail de français, cette confrontation individuelle avec le texte conduit à une seule lecture et en réduit fortement la richesse. Il va de soi qu'une telle démarche favorise une approche du français que l'on pourrait qualifier de "culturelle" (par opposition à la vision utilitaire réductrice que l'on peut être tenté d'avoir du français au vu des difficultés - réelles mais non insurmontables- d'apprentissage).

b. l'organisation pratique

Le texte est distribué à tous les élèves. Il peut faire l'objet d'un travail préparatoire personnel (comme indiqué dans l'exemple I en première partie) ou être découvert en classe de façon collective. Ce même texte reste projeté au tableau pendant tout le cours. Il est annoté au tableau au fil de la lecture. L'élève peut donc prendre les notes qu'il juge nécessaire au fur et à mesure sur son exemplaire. Une synthèse finale est rédigée soit de façon collective soit individuellement par les élèves. Ils disposent donc de deux traces écrites: la première reflète le travail de découverte et d'analyse du texte, la seconde est un exemple d'analyse rédigée et peut servir de modèle (pour l'emploi du vocabulaire technique, l'organisation d'une synthèse,...).
Les élèves sont disposés en arc de cercle face au tableau: il n'y a donc aucun obstacle à la communication. Ce sont ainsi les échanges entre élèves qui sont valorisés.

Il apparaît donc que très vite vont être au centre du cours: un texte écrit en français (support de l'analyse) et la LS (comme moyen d'analyse). La LS permet donc d'aider à la lecture et de produire des échanges riches, mais elle permet également de préparer le travail écrit comme le montre le tableau suivant qui précise le champ d'intervention de la LS.

2. Le champ d'intervention de la LS

Commentaire du document 4 :

- "précisions sur le sens et l'emploi des mots dans le texte"

L'explication du sens des mots se fait en LS. Quand un mot isolé pose problème dans un texte, il peut évidemment être traduit en LS. Mais il semble plus intéressant d'aider l'élève à retrouver lui-même le sens du terme inconnu ou problématique. Si l'on rencontre par exemple " la fébrilité " dans un texte, je préfère écrire au tableau l'origine, l'étymologie du mot ("fièvre") et ce sont les élèves qui en fonction du contexte expliquent le sens du mot inconnu. Si les hypothèses des élèves s'avèrent fausses ou si le sens pose toujours problème, je donne alors la définition en LS. Mais dans la mesure du possible j'essaye d'éviter de donner une traduction en LS3 , même si cela est bien sûr plus facile et plus rapide.

L'organisation du tableau tient compte des erreurs que les élèves peuvent commettre sur le sens des mots. Le texte est projeté au centre du tableau. Sur la partie gauche je prends note des échanges entre les élèves et je rédige sous leur dictée la synthèse de la lecture méthodique. La partie droite est réservée au travail sur la langue: précisions apportées sur le sens ou la formation d'un mot, remarques sur la construction d'un verbe, d'une phrase,... Le travail de lecture méthodique (d'analyse) est donc sans cesse interrompu par des explications portant sur la langue. Elles sont données au fur et à mesure qu'apparaissent les erreurs (qui portent souvent sur des contresens dus à une méconnaissance des formes verbales4 ou de la polysémie de certains termes5 ). C'est dans ces cas-là que la LS permet d'apporter une réponse précise et surtout rapide (il faut en effet pouvoir répondre aux élèves sans perdre le fil de la lecture) aux difficultés de compréhension. Je note à la fin du cours le type de problèmes rencontrés pour éventuellement proposer un exercice écrit aux élèves6 .

 

- " informations sur la dimension culturelle d'un texte ("Pi sourd" # "Pi entendant")"

Les élèves sourds ne perçoivent pas toujours ce qui est original, propre à un auteur ou à une époque dans la façon d'écrire. Ils ne savent pas dater un texte en fonction du vocabulaire ou des tours employés. Ils sont donc incapables, comme cela a été demandé à un élève le jour de l'oral du baccalauréat, de retrouver dans le Misanthrope de Molière les termes archaïques.

J'entends par "Pi entendant " la dimension culturelle de la forme ainsi que les expression figées telles que : " le soleil se couche ". Pour tous les entendants, il est évident qu'il s'agit là d'une expression figée et qu'il est inutile de montrer qu'il y a une personnification. Or pour un élève sourd cela n'est pas évident et il est amené à vouloir analyser cette expression comme un procédé volontaire de l'auteur. Il en est de même pour certaines métonymies comme " Boire du Bordeaux " : l'auteur n'a pas fait œuvre de créativité littéraire. Il s'agit donc de faire distinguer par les élèves ce qui est original, donc propre à un auteur, de ce qui est un fait de langue, propre à une communauté.

 

- "vérification de la compréhension du texte"

Dans la mesure où un élève peut tout à fait répondre à des questions écrites sur un texte en en ayant une compréhension très superficielle ou le traduire en français signé en donnant au professeur l'illusion de l'avoir bien compris, seuls les échanges entre les élèves en LS à propos d'un texte écrit permettent au professeur d'en vérifier la compréhension. Les textes étudiés ne sont jamais traduits (car le français signé que font instinctivement les élèves ne permet pas de vérifier leur compréhension). Leur lecture fait l'objet d'une discussion entre élèves où chacun confronte sa lecture à celle des autres. Quand il y a débat sur le sens, les élèves justifient leur point de vue en citant le texte, donc en s'appuyant sur l'écrit ce qui est extrêmement intéressant:

- pour l'élève qui prend ainsi l'habitude de vérifier ses premières impressions
- pour le professeur qui peut ainsi voir comment peuvent apparaître les contre-sens et donc mieux préparer le travail personnel de préparation à la lecture méthodique.

Il peut arriver qu'exceptionnellement je demande aux élèves de traduire une tournure7 . Les extraits de pièces de théâtre peuvent par contre s'avérer très riches à traduire en classe puisqu'ils permettent de travailler sur la dimension cachée du texte: l'implicite.

 

- "acquisition et vérification de la maîtrise des outils de l'analyse"

La LS permet de vérifier la maîtrise des outils d'analyse (comme les figures de style, les tonalités : l'ironie, le pathétique, le tragique..). Les élèves sont en effet plus à l'aise pour expliquer ces notions dans leur langue; le choix des exemples permet également de vérifier leur degré de maîtrise de ces notions.

 

- "acquisition de notions nouvelles"

Les notions nouvelles comme " le lyrisme " sont abordées en LS (ce point est développé dans la partie suivante).

 

- "apport de connaissances qui permettent de préciser le sens du texte"

Les textes de français ne pouvant pas être coupés de leur environnement, à plus forte raison pour des élèves sourds, et faisant appel à des références culturelles parfois indispensables à leur compréhension, il est parfois nécessaire de préciser le contexte d'écriture, de revenir sur un point d'histoire littéraire ou culturelle. Ce travail préparatoire à la lecture peut parfois prendre une place importante et est fait en LS. Les élèves sourds, que j'ai eu jusqu'ici au lycée, ne venant d'une structure bilingue qu'en faible proportion, ils ont rarement eu à manipuler des textes littéraires (et donc ignorent tout de l'histoire littéraire mais aussi de la mythologie ou des références bibliques) et n'ont pour la plupart jamais eu de cours de LSF. Ce travail permet d'éviter de voir qualifier Amphitryon 38 de Giraudoux de conte pour enfant parce qu'une planète (le dieu Jupiter était inconnu en seconde ! ) essaye de séduire une mortelle...

 

- "la rédaction d'un commentaire écrit du texte analysé"

L'étude d'un texte français ne se fait pas seulement en LS. La partie "orale" du cours prépare bien évidemment l'écrit qui est intégré au travail d'analyse et apparaît régulièrement au cours de la séquence. Ce point ne sera pas développé ici car l'accent est mis sur la LS et donc sur le travail de compréhension et d'analyse. Il n'est pas négligé pour autant en cours.

 

3. Le rôle de la LS dans l'étude du français: les pré-requis

 

Pour comprendre un texte, les élèves ont besoin de références (comme les tonalités). Il s'agit donc par la LS de vérifier si ces références sont connues ou non. L'utilisation de deux langues en cours oblige de plus constamment l'enseignant à penser son cours en LS et en français, c'est-à-dire à envisager l'aspect culturel de chacune des langues. Les représentations ne sont pas forcément les mêmes pour des personnes signantes et non signantes. L'ironie et la dérision ne se manifestent pas par exemple de la même façon en français et en langue des signes.Il faut donc vérifier non seulement la connaissance du concept et du signe mais également la reconnaissance et la compréhension de cette notion dans un texte écrit.

On se retrouve donc devant trois cas de figure:

- ces références sont ignorées et doivent être données soit en LS puis en français, soit directement en français (la notion en LS sera prise en charge par le professeur de LSF)
- ces références sont connues superficiellement et doivent être renforcées en LS avant d'être abordées en français
- ces références sont connues et seulement vérifiées en LS.

a. Comment vérifier l'existence de ces références ? (voir le document 5)

Le professeur se trouve confronté à deux situations :

- soit le signe existe (comme pour "ironie") et je signe le terme avant de demander aux élèves ce qu'ils en savent
- soit le signe n'existe pas (comme pour "le lyrisme" la première année où j'ai enseigné); j'écris le mot au tableau et je commence à l'expliquer en attendant les réactions des élèves.

Les élèves peuvent avoir trois types de réactions :

1°) Ils maîtrisent déjà ces notions et je vérifie seulement l'exactitude de leur connaissance en leur demandant des exemples en LS.Certains sont capables d'exploiter leurs lectures ou les films qu'ils ont vus.

2°) Ils en ont une connaissance superficielle, comme pour l'ironie. Les élèves apportent leurs exemples (souvent tirés du quotidien) qui sont essentiellement des antiphrases. La mise en commun d'exemples variés (proposés en LS par les élèves, en français par moi) permet de préciser le sens de ce terme en LS et en français.

3°) Le terme n'évoque rien pour eux : il faut donc créer une référence.
En LS je donne alors des exemples qui sont essentiellement des mises en situation : je me mets en scène et montre une situation où apparaissent l'ironie, le lyrisme, le pathétique, le tragique, l'épique,… pour créer artificiellement des références communes.
Ces références sont créées aussi bien en LS (sous forme de saynètes) qu'en français écrit (phrases d'exemples, dialogues écrits,…), pour que le lien se fasse immédiatement entre français et LS et pour créer des équivalents.Je passe d'ailleurs assez vite de la LS aux exemples écrits. En effet, l'approfondissement de cette notion en LS doit se faire avec le professeur de langue des signes. Les années où cela est possible, je m'arrange pour les aborder après leur étude en cours de LS.

Ce travail nécessaire, qui est certainement fait par tous les enseignants de français, semble évident.Vérifier que des élèves maîtrisent les pré-requis indispensables à l'étude d'un texte est une opération de bon sens8 . Ce qui est particulier ici, c'est que ce travail, fait en cours de français et nécessaire au cours, n'est pas fait en français mais dans la langue de l'élève: la langue des signes. Certains observateurs ont donc pu objecter que je m'écartais de mon objectif pour faire un cours de LS. Cette remarque ne me semble pas fondée, sauf si l'on estime que les élèves sourds doivent être écartés des textes littéraires et ne faire que de la grammaire et du vocabulaire (ce qui revient à bannir tout travail sur le style et les effets de l'écrit et toute littérature d'idée) ou si l'on considère le cours de LS comme un simple outil du cours de français, le professeur de langue des signes s'attachant uniquement à préparer sur commande les cours de français et de langue en général. La coordination me semble indispensable entre professeurs de langue, la subordination du cours de LS aux autres disciplines serait une aberration, un non-sens dans un système d'éducation bilingue.

 

b. L'appropriation et la consolidation de ces références

Une fois les références expliquées et précisées ; les élèves doivent donner des exemples en LS (ils ne peuvent pas toujours produire à ce stade-là des exemples en français écrit).
Ces exemples sont analysés (en LS) et cette analyse s'achève par la rédaction d'une définition en français. Dans la mesure du possible, cette définition est rédigée collectivement par les élèves pendant le cours. Ils vérifient ensuite en reprenant les exemples la précision de la définition qu'ils ont rédigée.

Une fois les connaissances théoriques vérifiées, on peut passer à l'étude de cette notion dans un texte, immédiatement ou plus tard dans l'année (ce qui permet de vérifier la solidité de cette connaissance)

Il arrive que la notion étudiée soit parfaitement comprise en LS, mais que le passage à sa reconnaissance dans un texte français ne se fasse pas. Je sers alors de guide à l'élève, de passerelle entre les 2 langues (par exemple pour lui faire sentir ce qui est propre à chacune des langues quand intervient fortement la dimension culturelle, ce qui est fréquent quand on aborde l'humour, l'ironie, la dérision..).

Il est donc indispensable que les élèves aient acquis un bon niveau en LS et en compétence d'analyse de la LS. Tout l'environnement culturel du texte est précisé en LS. Cette langue est donc l'outil permettant d'entrer dans la lecture puis dans l'écriture. Mais elle ne suffit pas pour l'écrit. Par exemple, des élèves qui, en LS, s'expriment de façon organisée, hiérarchisée, ordonnée, peuvent en français produire des écrits incohérents, désorganisés. Ce qui montre qu'ils fonctionnent différemment dans les 2 langues et que tout le travail à faire en argumentation en seconde doit en tenir compte. Le passage par la LS permet donc d'entrer dans la lecture du français mais il reste un travail important à fournir pour l'écrit.

 

III. L'ARTICULATION DES DEUX LANGUES À L'INTÉRIEUR DU COURS

document 6

Comme on peut l'observer sur le schéma, il y a 3 niveaux :

- lecture: une lecture individuelle du texte qui donne lieu à une confrontation de points de vue,
- oral en LS: des échange en LS qui se nourrissent de la lecture du texte,
- écriture: une production écrite qui se veut le reflet des échanges en LS.

Commentaire du tableau : les chiffres entre parenthèses renvoient au document 6: "Articulation du français et de la LS dans un cours de français"

Au départ, les élèves font des hypothèses de lecture sur le sens du texte et les intentions de l'auteur (1). Ils doivent les valider par des citations du texte (2). Il y a donc un lien qui se crée entre français lu et LS : hypothèses (en LS) et validations (par la référence à l'écrit). Il n'y a pas encore de production écrite des élèves; en effet, à ce stade-là c'est le professeur qui gère la trace écrite au tableau (3). Ce n'est pas une traduction de ce que disent les élèves, mais l'écriture de mots clés qui résument les hypothèses validées ou invalidées des élèves. C'est moi qui choisis le terme résumant les échanges. En effet il ne faut pas oublier qu'à la fin de leur scolarité les élèves seront évalués sur une production écrite. Or ils n'y pensent pas quand ils sont à ce stade de l'analyse, moi si. Il arrive cependant que certains interviennent pour contester le choix d'un mot et en proposer un autre (en le dactylographiant). Cela dépend de leur niveau mais surtout de leur assurance. En 2nd ils n'ont pas encore le réflexe de se demander comment s'écrit ce qu'ils signent alors qu'en première ils savent qu'ils seront évalués à l'écrit et ils interrompent fréquemment leurs interventions signées pour m'interroger sur la façon d'écrire ce qu'ils signent.

Il y a donc d'abord un travail de validation des hypothèses données pendant lequel je me contente de noter les mots clés. Puis dans un deuxième temps, un travail d'analyse pour repérer les procédés qui ont été adoptés pour produire l'effet observé (4). Quand les élèves ont, par exemple, remarqué que l'auteur prenait position contre une thèse, ils doivent justifier leur lecture par le repérage des figures de l'opposition ou des modalisateurs (5). Il est intéressant de voir comment les élèves justifient leur interprétation du texte. Leurs réactions sont révélatrices de leur niveau de maîtrise de l'analyse d'une langue. Certains vont renvoyer à un numéro de ligne là où d'autres vont dactylographier ou traduire en LS le terme précis qui justifie leur remarque9 .

(5) Quand les élèves se trouvent face à une forme qui les surprend comme deux mots opposés (un oxymore), une métaphore, une personnification ou une expression telle que " le soleil se couche", ils la repèrent dans le texte (niveau lecture), expliquent le sens en LS et l'identifient comme étant un procédé stylistique. Nous cherchons ensuite le nom de cette figure de style. Certains le connaissent en LS, ce qui n'est pas toujours le cas des nouveaux élèves. Quand ils connaissent le terme en LS (comme dans le cas de la métaphore ou de la comparaison), maîtrisent son sens et sont capables de donner les exemples, il suffit de leur donner l'équivalent français (6). Quand les élèves n'ont pas l'habitude de travailler sur la langue (LS), cela pose un problème. La situation idéale étant bien sûr que les élèves aient déjà acquis ces connaissances en LS, le travail de français en est simplifié : il suffit de transposer en donnant le nom et la définition en français (à l'écrit).

Il arrive que les élèves ne connaissent ni le terme LS ni le procédé ou que moi-même je ne connaisse pas le terme LS ou que ce terme n'existe pas en LS. C'est ce qui s'est produit quand des élèves se sont trouvés confrontés à un euphémisme. Il y a trois ans en analysant un poème, un élève a remarqué qu'un vers était particulier :" Et la mère alla dormir sous les dalles du cloître " (Victor Hugo, Les Contemplations ). Les élèves avaient compris que la mère était morte mais ils étaient surpris de voir que le terme de " mort " n'apparaissait pas. Il arrive que les élèves ne comprennent même pas que la mère est morte; ils trouvent étrange cette phrase et se lancent dans des interprétations fantaisistes (peut-être cette femme était-elle trop pauvre pour avoir une maison...). Les élèves s'interrogent donc et émettent des hypothèses sur le sens ; toute cette réflexion se fait en LS. Ce travail de réflexion en LS sur du français écrit permet un approfondissement que limiterait un passage direct par l'écrit (les réponses étant dans ce cas-là très réduites).
Le problème pour moi a été de faire passer le terme français d' " euphémisme " à mes élèves. Quand l'élève signale que ce vers est curieux, il le fait en ces termes : " Cette phrase est bizarre : c'est une fausse phrase qui cache et adoucit son sens ". Il vient donc de donner la définition d'" euphémisme ". Il s'agit donc pour l'enseignant de rebondir sur cette remarque pour la préciser et donner le terme français qui correspond à la définition donnée en LS (5). Ce sont donc les élèves qui trouvent, bien involontairement, les caractéristiques de cette figure de style (donc sa définition). Et c'est cette définition qui va servir de base à la formation d'un néologisme en LS pour " euphémisme ".
La définition : " Fausse phrase qui cache le sens " devient un signe [phrase derrière] (après utilisation répétée, la périphrase qui désigne l'euphémisme se réduit et se fige).

Le problème reste de savoir si ce néologisme utilisé en classe est correct. Peut-être fait-il double emploi avec un signe existant déjà. Ce néologisme doit-il être conservé l'année suivante avec de nouveaux élèves ou doit-on demander aux élèves de créer un néologisme chaque année ?

Sans compter qu'à la fin de la 1ère les élèves passent une épreuve orale en français et qu'il faut communiquer ces néologismes aux interprètes. Les néologismes LS sont donc répertoriés chaque année, filmés et envoyés aux interprètes. Le problème, c'est que je fais ce travail seule, sans le contrôle d'un enseignant de LS. Quel est le statut de ces néologismes à partir du moment où ils sortent de la classe (par les cassettes ou véhiculés par les élèves) ? Doit-on les considérer comme des signes officiels ou provisoires ? Peut-on diffuser ces signes une fois qu'ils sont validés par l'usage ?

C'est pour répondre à ces questions qu'un partenariat professeur français-LS est indispensable pour éviter les néologismes fantaisistes ou inutiles, et qu'un groupe de recherche sur la LS et sur l'articulation langue des signes-français est nécessaire.

 

Une fois les procédés expliqués et nommés en LS et en français, il reste à organiser l'analyse du texte (8). Tout ce travail se fait en LS, le professeur notant fidèlement au tableau sous forme de plan ce que signent les élèves (9). Ceux-ci devant surveiller l'exactitude de la trace écrite : les corrections du tableau sont faites par les élèves (ce qui provoque des échanges entre eux, en LS sur le français), aussi bien pour ce qui est des termes écrits au tableau (les élèves doivent donc parfois épeler un terme français) que pour l'organisation du plan ou des idées. On est donc passé d'une situation où le professeur pensait le français à une situation où le français est pris en charge par les élèves.

Une fois que le texte est compris, que les élèves sont capables de l'analyser en LS, on peut passer à la rédaction de l'analyse du texte. La langue des signes a donc permis le passage de la lecture à l'écriture en valorisant tout ce que les élèves avaient à dire.

 

Pour l'analyse d'un texte complexe de niveau lycée (qui fait appel autant à des compétences de lecture que de réflexion) c'est-à-dire pour un travail qui part d'une lecture pour aboutir à une production écrite (sous forme de commentaire, de discussion ou d'explication de texte), trois à quatre heures de cours sont nécessaires. La partie dite "orale" du cours nécessitant facilement 2h collectives, le travail écrit de rédaction est fait individuellement ou en petits groupes, mais en dehors du cours. La correction de l'écrit étant importante, c'est elle qui sera valorisée, et c'est à elle que sera consacré le temps restant. L'objectif est d'inverser le processus en première: le temps consacré à la lecture méthodique du texte (l'analyse collective) est réduit pour travailler davantage l'écrit dans la perspective du baccalauréat.

 

IV. UN COURS DE FRANÇAIS EN SITUATION BILINGUE: DE LA LECTURE À L'ÉCRITURE. L'EXEMPLE D'UNE SÉQUENCE SUR L'ÉCRITURE THÉÂTRALE.

Les questions que les personnes se posent sur l'enseignement du français aux élèves sourds dans une structure bilingue portent systématiquement non sur la place de la LS mais sur l'écrit qui reste problématique pour les élèves sourds. Ce point n'avait pas été abordé au cours de mon intervention non pas parce que je le considère comme secondaire, mais parce que la langue des signes était au centre des discussions. Pour répondre à ces questions, j'ajoute donc un exemple de séquence réalisée en fin de seconde avec une classe de 6 élèves sourdes au cours de l'année 1999-2000.

 

OBJECTIFS DE LA SÉQUENCE:

- enrichir la culture théâtrale des élèves

- connaître les différents genres et registres de théâtre
- savoir situer un texte de théâtre
- avoir des notions de mise en scène

- savoir analyser un texte de théâtre

- écrire une pièce de théâtre

 

LES CONNAISSANCES DES ÉLÈVES AU DÉBUT DE LA SÉQUENCE

- origine des élèves:

- deux élèves venant de l'INJS de Chambéry
- quatre élèves venant de classes bilingues (Toulouse ou Poitiers)
dont 2 venant de 3ème
2 redoublant leur 2nd

- les six élèves avaient déjà lu au moins une pièce de théâtre au collège (Molière)
- 4 élèves avaient déjà étudié des pièces ou des extraits de théâtre au collège
- 4 élèves avaient déjà fait du théâtre (en LS) et vu des pièces de théâtre (en LS)
- 2 élèves connaissaient d'autres pièces que celles de Molière (Ionesco, Sartre, Montherlant)

 

DESCRIPTIF DE LA SÉQUENCE

- Une première approche du théâtre avait été faite au cours de la séquence précédente portant sur l'argumentation. Les élèves avaient lu le Tartuffe de Molière (lecture individuelle à la maison) et une dizaine de scènes avaient été sélectionnées, mises sur transparent et signées par les élèves (chaque élève jouant un rôle). Nous avions ainsi pu aborder de façon très rapide (puisque ce n'était pas l'objet de cette séquence):

- la double énonciation
- le rôle des didascalies
- le jeu des acteurs suggéré par les répliques
- les types de scènes (dialogues - répliques et tirades- et monologues)
- les personnages en scène (actifs ou silencieux)
- le théâtre dans le théâtre
- le genre de la comédie

- Étape 1: les caractéristiques d'une pièce de théâtre, l'intrigue

1. les didascalies: les élèves ont repris Tartuffe pour une lecture sélective. L'objectif de ce travail (écrit et individuel) était de préciser les fonctions des didascalies. Le travail écrit a été corrigé (non noté) et mis en commun pour la rédaction d'une définition commune.

2. Théâtre et mise en scène: un rapide cours théorique (signé puis écrit) a permis de présenter la mise en scène (et tout le vocabulaire scénique). J'en ai également profité pour préciser le vocabulaire nécessaire à l'étude d'une pièce (acte, scène, tableau, dramaturge,...).

3. Les genres théâtraux : à partir des connaissances des élèves, que j'ai complétées ou précisées, nous avons rapidement présenté les genres théâtraux (comédie, tragédie, vaudeville, théâtre de l'absurde,...) et certains auteurs. Cette approche a été complétée ensuite au cours du travail sur l'intrigue.

3. La structure d'une pièce de théâtre : l'intrigue

- les élèves ont eu à lire une pièce de théâtre de leur choix. Ils en ont fait un compte rendu oral en cours; ils devaient: - résumer la pièce

- tenter de définir le genre auquel elle appartient
- présenter rapidement l'auteur
- évoquer la mise en scène de la pièce (juger l'importance des didascalies, penser au rôle des objets, à la métamorphose dans Rhinocéros de Ionesco,...)
- juger la pièce (intérêt de l'intrigue et facilité d'adaptation à la scène)

- J'ai ensuite distribué aux élèves une dizaine de résumés de pièces de théâtre (de genre et d'époque très divers) pour qu'ils voient comment pouvait être construite une intrigue de théâtre, à quel moment les personnages entraient en scène, quels types de rôles on pouvait rencontrer, comment étaient organisés les rebondissements, .....
Cette lecture s'est faite en cours. Les élèves avaient à leur disposition les textes et étaient libres de lire ceux qu'ils voulaient. Les remarques ont été mises en commun et l'on a ainsi pu préciser la structure générale d'une pièce de théâtre (exposition, noeud, rebondissements, dénouement) et les libertés que certains auteurs peuvent prendre. Nous avons également précisé, en LS, les différences entre tragédie et comédie.

4. Première étape du travail d'écriture : j'ai demandé aux élèves d'imaginer (seul ou à 2) l'intrigue de la pièce qu'ils allaient écrire. Ils devaient rédiger un rapide résumé de la pièce (corrigé mais non noté) et présenter leur projet en LS à la classe en racontant l'histoire et en précisant le genre. Chaque intrigue a été jugée par les élèves (propositions d'améliorations, remarques sur la mise en scène,...) et éventuellement modifiée.

Étape 2: l'écriture dramatique

Nous sommes ensuite passé à une étude plus approfondie du texte de théâtre pour que les élèves aient à leur disposition un éventail d'idées (ou d'exemples) le plus riche possible. Nous avons donc étudié en classe des extraits de scène pour que les élèves puissent maîtriser:

- l'étude et l'écriture d'une scène d'exposition :

Plusieurs scènes d'exposition ont été lues et analysées collectivement10 (quelle est la fonction de cette scène ? comment est-elle construite ?...) pour que les élèves puissent commencer l'écriture de leur pièce.

- les formes de l'écriture dramatique : au cours d'un groupement de textes sur "le conflit amoureux au théâtre" nous avons abordé: le quiproquo, le dilemme, les registres et les tons, le théâtre dans le théâtre,... Les élèves ont appris à identifier les genres théâtraux et se sont entraînés à l'écriture théâtrale.

Description du travail fait à partir de ce groupement de textes:

Textes:

- L'Illusion comique de Corneille, 1636, acte III scène 5
- L'École des femmes de Molière, 1662, acte I, scène 4
- Andromaque de Racine, 1667, acte III, scène 7
- Bérénice de Racine, 1670, acte IV, scène 4
- Le mariage de Figaro de Beaumarchais, 1785, acte V, scène 7

J'ai choisi volontairement des textes très classiques. Les élèves disposaient également d'un autre corpus de textes élargissant les exemples et où les auteurs contemporains (et étrangers) étaient majoritaires.

Travail réalisé: (cette sous-séquence illustre bien comment s'articulent lecture - "oral"- écriture)

a. L'Illusion comique de Corneille, III,5

- travail préparatoire écrit des élèves: questionnaire portant sur la compréhension de la scène et relevé à faire du champ lexical de l'amour; le travail des élèves est relevé, corrigé et noté.

- lecture méthodique collective en LS: la déclaration amoureuse; comment un personnage se révèle; prise de note au tableau de ce que disent les élèves

- synthèse écrite (rédigée collectivement): les procédés d'écriture de la déclaration amoureuse

 

b. Le mariage de Figaro de Beaumarchais, V,7

- travail préparatoire des élèves: lire la scène

- en cours: traduction en LS de la scène (chaque élève jouant un rôle) afin que les élèves perçoivent mieux l'aspect comique du quiproquo.

- lecture méthodique collective en LS (le quiproquo amoureux; un personnage se révèle) puis synthèse écrite rédigée par moi (l'intérêt dramatique de cette scène dans la pièce; l'écriture d'un quiproquo)

- devoir écrit (noté): analyse comparative de deux personnages (Clindor de L'Illusion comique et le Comte du Mariage de Figaro ). Les élèves réutilisent ainsi les deux lectures méthodiques en LS et les quelques notes écrites au tableau.

- première évaluation partielle : les élèves doivent rédiger une scène (le type de scène, dialogue ou monologue, est libre) de déclaration amoureuse. Évaluation de la capacité à produire un texte de théâtre (didascalies....) , à manier le vocabulaire de l'affectivité et à réutiliser les figures de style rencontrées dans les scènes analysées (métaphores, hyperboles,...).

 

c. Andromaque de Racine, III,7

- travail préparatoire des élèves: lecture de la scène et du paratexte.

- en cours: étude du paratexte d'où l'on a déduit le genre théâtral de cette pièce: la tragédie. Les élèves ignorant tout de la tragédie et des mythes antiques, j'ai fait en LS le récit des principaux mythes antiques et présenté quelques tragédies classiques.

- synthèse de l'analyse des genres théâtraux (comédie, tragédie), des registres (comique, tragique) et des types de scène: les élèves ont un tableau comparatif à compléter portant sur les trois scènes étudiées. La correction de ce travail individuel, écrit et non noté, est faite collectivement en classe.

- lecture méthodique collective en LS de la tirade de Pyrrhus dans Andromaque : le dilemme tragique. Cette analyse sert de point de départ à la définition du dilemme au théâtre. D'autres exemples de dilemme tirés de tragédies classiques (Cinna et le Cid ) sont étudiés en classe.

- devoir écrit individuel, lu et évalué par l'ensemble de la classe puis noté: rédiger une tirade ou un monologue dans lequel est exposé un dilemme.
La correction de ce travail est faite en relation avec le monologue de Titus (Bérénice de Racine, IV,4): les aspects formels de l'expression d'un dilemme (figures de style: antithèses et oxymores; emploi des champs lexicaux; évolution des pronoms; ponctuation; vocabulaire de l'affectivité,...) sont minutieusement analysés en LS. Le monologue de Titus est ensuite comparé à celui de chaque élève. Les élèves retravaillent le dilemme, soit en corrigeant leur texte soit en en imaginant un autre. Ce dilemme est la deuxième évaluation partielle de la séquence.

 

d. L'École des femmes de Molière, acte I, scène 4, sert à une troisième évaluation partielle portant sur l'analyse du quiproquo, l'identification du genre de la comédie et du registre comique. Les élèves doivent rédiger un commentaire écrit de la scène (travail noté et corrigé individuellement).

 

Étape 3: la rédaction d'une pièce de théâtre

A ce stade-là, les élèves disposent de suffisamment d'outils, de connaissances théoriques et de savoirs-faire pour se lancer dans l'écriture d'une pièce de théâtre.

Elles écrivent donc une pièce dont elles ont choisi librement le genre, le registre,... La seule contrainte est de réutiliser une partie du travail fait en classe. Les élèves ont pu travailler seules ou en groupe et ont rédigé une partie de leur pièce chez elles, l'autre pendant le cours, sur ordinateur, ce qui a permis de travailler la correction de langue et le vocabulaire. Les productions ont été de qualité et très originales:

- une tragédie (thème: l'amour)
- une comédie de caractère
- une pièce engagée
- l'adaptation théâtrale, très libre, d'un roman: Jamais sans ma fille

 

Étape 4: la mise en scène

Nous avions comme projet de départ de mettre en scène et de jouer chacune des pièces. Cette séquence étant située en fin d'année, nous n'avons pas pu mener à bien ce travail. Nous avons alors décidé de choisir une pièce et d'en faire un film (j'avais réalisé une séquence sur l'écriture cinématographique et l'analyse d'images). Toutes les séquences du film ont pu être réalisées, il reste à le monter...


Notes (cliquer sur le numéro pour revenir au texte)

1 - Les textes fondateurs qui doivent être étudiés en 6ème - extraits de la Bible, l'Odyssée ...- sont parfois vus plus tard au collège.

2 - Ce travail peut porter :

- au collège sur une forme de récit (le conte, le fantastique) ou une technique (comme la description, le portrait),
- au lycée sur l'argumentation, sur une tonalité ou sur des procédés stylistiques.

3 - J'ai pour habitude de donner à l'écrit au tableau l'étymon, un synonyme, un antonyme ou l'étymologie du terme inconnu, ou de le segmenter pour mettre en évidence sa formation. Les hypothèses de sens sont alors formulées en LS par les élèves qui prennent ainsi l'habitude de manipuler la langue.

4 -"les versions diverses (de la rumeur) se fondirent, les épisodes s'allongèrent, une légende se forma, dans laquelle Florent jouait un rôle de Croque-mitaine." Le ventre de Paris , Emile Zola
Les élèves lisent "se fondirent" avec le sens de disparaître (comme la neige qui fond), ce qui fausse tout le sens du texte. Un simple échange entre élèves en LS permet de mettre à jour l'origine du contresens, de préciser le sens ici de "se fondirent" (se mêlèrent) et de les habituer à toujours conforter leurs hypothèses de lecture par une nouvelle confrontation au texte.

5 -"Que ce travail, haï des mères, soit maudit !
Maudit comme le vice où l'on s'abâtardit," "Melancholia" de Victor Hugo, Les Contemplations
En préparant ce poème, les élèves avaient cherché le sens des mots "maudit" et "abâtardir" mais avaient omis "vice" considéré comme connu, ce qui avait occasionné des explications très fantaisistes. Le fait de faire l'explication en LS, et donc de signer différemment "vice" pour "vice-président" et pour "le vice" , leur donne peu à peu l'habitude de ne pas considérer le sens des mots comme figé.

6 - Ces exercices portent fréquemment sur le vocabulaire: les familles de mots et les nuances de sens qu'ils peuvent avoir suivant leur emploi dans la phrase ou le registre de langue (apprendre à faire la distinction entre: "cuisiner pour quelqu'un" et "cuisiner un suspect" permet d'éviter de trouver dans des textes que les femmes en ont assez de "cuisiner leurs maris".

7 - Le travail sur les familles de mots en français se prête par contre très bien à des exercices de traduction. Il est intéressant par exemple de travailler sur les mots construits à partir de "innocent" en proposant aux élèves toute une série de phrases françaises à traduire en interdisant le français signé et le signe "innocent". On propose par exemple: "Il a dit cela innocemment"; "C'est l'innocent du village"; "Les enfants sont des êtres innocents"; "j'ai été innocenté"; "S'il dit cela, ce n'est pas innocent"... Ce travail est très formateur aussi bien en français qu'en LS et serait intéressant à mener à deux professeurs.

8 - Ce travail préparatoire peut également porter sur le contenu: connaissance de la mythologie et de l'histoire antique pour le théâtre, connaissances de l'histoire de France pour des textes critiques faisant référence à des événements contemporains de l'auteur (notamment au XVIII-XIX° siècle)...

9 - J'observe que si on a affaire à des élèves qui ont suivi un cursus bilingue, ils vont citer avec précision le texte et surtout le faire en LS. Mais quand on a affaire à des élèves qui ont suivi un autre cursus, même s'ils ont une bonne maîtrise de la LS, ils ont du mal à travailler dans les deux langues et ils vont accorder plus d'importance au français, la LS n'étant à leurs yeux qu'un outil,. Cela les freine dans leur travail en français. Je remarque par exemple que ces élèves font des citations confuses du texte. Il faut alors que je les aide à préciser le terme ou la figure de style qui les a conduits à proposer telle ou telle interprétation. Ces élèves sont habitués à réagir d'après des impressions de lecture qu'ils ne savent pas justifier par une analyse de la langue. D'où l'importance des cours de LS car un élève habitué à analyser sa langue pourra transférer sans problème cette compétence en français. Je vois bien qu'en ce moment, les deux élèves qui viennent de l'extérieur auraient besoin de cours de LS pour pouvoir progresser normalement dans les autres disciplines .

10 - Les scènes ont été lues et confrontées entre elles (et non étudiées les unes après les autres). Elles ont donc été étudiées dans le cadre d'un groupement de textes dont le but était de définir la scène d'exposition. On se trouve dans le deuxième cas de figure présenté dans la partie I (2ème exemple de séquence).